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À sa douceur.
Tu portes plus galamment
Qu une reine de roman
Ses cothurnes de velours
Tes sabots lourds.
Au lieu d un haillon trop court,
Qu un superbe habit de cour
Traîne à plis bruyants et longs
Sur tes talons ;
En place de bas troués,
Que pour les yeux des roués
Sur ta jambe un poignard d or
Reluise encor ;
Que des nSuds mal attachés
Dévoilent pour nos péchés
Tes deux beaux seins, radieux
Comme des yeux ;
Que pour te déshabiller
Tes bras se fassent prier
Et chassent à coups mutins
Les doigts lutins,
Perles de la plus belle eau,
Sonnets de maître Belleau
Par tes galants mis aux fers
Sans cesse offerts,
Valetaille de rimeurs
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Te dédiant leurs primeurs
Et contemplant ton soulier
Sous l escalier,
Maint page épris du hasard,
Maint seigneur et maint Ronsard
Épieraient pour le déduit,
Ton frais réduit !
Tu compterais dans tes lits
Plus de baisers que de lis
Et rangerais sous tes lois
Plus d un Valois !
Cependant tu vas gueusant
Quelque vieux débris gisant
Au seuil de quelque Véfour
De carrefour ;
Tu vas lorgnant en dessous
Des bijoux de vingt-neuf sous
Dont je ne puis, oh ! pardon !
Te faire don.
Va donc, sans autre ornement,
Parfum, perles, diamant,
Que ta maigre nudité,
Ô ma beauté !
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LXXXIX. Le Cygne
À Victor Hugo
I
Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve,
Pauvre et triste miroir où jadis resplendit
L immense majesté de vos douleurs de veuve,
Ce Simoïs menteur qui par vos pleurs grandit,
A fécondé soudain ma mémoire fertile,
Comme je traversais le nouveau Carrousel.
Le vieux Paris n est plus (la forme d une ville
Change plus vite, hélas ! que le cSur d un mortel) ;
Je ne vois qu en esprit tout ce camp de baraques,
Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts,
Les herbes, les gros blocs verdis par l eau des flaques,
Et, brillant aux carreaux, le bric-à-brac confus.
Là s étalait jadis une ménagerie ;
Là je vis, un matin, à l heure où sous les cieux
Froids et clairs le Travail s éveille, où la voirie
Pousse un sombre ouragan dans l air silencieux,
Un cygne qui s était évadé de sa cage,
Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec,
Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.
Près d un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec
Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre,
Et disait, le cSur plein de son beau lac natal :
« Eau, quand donc pleuvras-tu ? quand tonneras-tu, fou-
dre ? »
Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,
Vers le ciel quelquefois, comme l homme d Ovide,
Vers le ciel ironique et cruellement bleu,
Sur son cou convulsif tendant sa tête avide,
Comme s il adressait des reproches à Dieu !
123
II
Paris change ! mais rien dans ma mélancolie
N a bougé ! palais neufs, échafaudages, blocs,
Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,
Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs.
Aussi devant ce Louvre une image m opprime :
Je pense à mon grand cygne, avec ses gestes fous,
Comme les exilés, ridicule et sublime,
Et rongé d un désir sans trêve ! et puis à vous,
Andromaque, des bras d un grand époux tombée,
Vil bétail, sous la main du superbe Pyrrhus,
Auprès d un tombeau vide en extase courbée ;
Veuve d Hector, hélas ! et femme d Hélénus !
Je pense à la négresse, amaigrie et phtisique,
Piétinant dans la boue, et cherchant, l Sil hagard
Les cocotiers absents de la superbe Afrique
Derrière la muraille immense du brouillard ;
À quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
Jamais, jamais ! à ceux qui s abreuvent de pleurs
Et tètent la Douleur comme une bonne louve !
Aux maigres orphelins séchant comme des fleurs !
Ainsi dans la forêt où mon esprit s exile
Un vieux Souvenir sonne à plein souffle du cor !
Je pense aux matelots oubliés dans une île,
Aux captifs, aux vaincus ! & à bien d autres encor !
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XC. Les sept vieillards
À Victor Hugo
Fourmillante cité, cité pleine de rêves,
Où le spectre en plein jour raccroche le passant !
Les mystères partout coulent comme des sèves
Dans les canaux étroits du colosse puissant.
Un matin, cependant que dans la triste rue
Les maisons, dont la brume allongeait la hauteur,
Simulaient les deux quais d une rivière accrue,
Et que, décor semblable à l âme de l acteur,
Un brouillard sale et jaune inondait tout l espace,
Je suivais, roidissant mes nerfs comme un héros
Et discutant avec mon âme déjà lasse,
Le faubourg secoué par les lourds tombereaux.
Tout à coup, un vieillard dont les guenilles jaunes,
Imitaient la couleur de ce ciel pluvieux,
Et dont l aspect aurait fait pleuvoir les aumônes,
Sans la méchanceté qui luisait dans ses yeux,
M apparut. On eût dit sa prunelle trempée
Dans le fiel ; son regard aiguisait les frimas,
Et sa barbe à longs poils, roide comme une épée,
Se projetait, pareille à celle de Judas.
Il n était pas voûté, mais cassé, son échine
Faisant avec sa jambe un parfait angle droit,
Si bien que son bâton, parachevant sa mine,
Lui donnait la tournure et le pas maladroit
D un quadrupède infirme ou d un juif à trois pattes.
Dans la neige et la boue il allait s empêtrant,
Comme s il écrasait des morts sous ses savates,
Hostile à l univers plutôt qu indifférent.
Son pareil le suivait : barbe, Sil, dos, bâton, loques,
Nul trait ne distinguait, du même enfer venu,
Ce jumeau centenaire, et ces spectres baroques
Marchaient du même pas vers un but inconnu.
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À quel complot infâme étais-je donc en butte,
Ou quel méchant hasard ainsi m humiliait ?
Car je comptai sept fois, de minute en minute,
Ce sinistre vieillard qui se multipliait !
Que celui-là qui rit mon inquiétude,
Et qui n est pas saisi d un frisson fraternel,
Songe bien que malgré tant de décrépitude
Ces sept monstres hideux avaient l air éternel !
Aurais-je, sans mourir, contemplé le huitième,
Sosie inexorable, ironique et fatal,
Dégoûtant Phénix, fils et père de lui-même ?
Mais je tournai le dos au cortège infernal.
Exaspéré comme un ivrogne qui voit double,
Je rentrai, je fermai ma porte, épouvanté,
Malade et morfondu, l esprit fiévreux et trouble,
Blessé par le mystère et par l absurdité !
Vainement ma raison voulait prendre la barre ;
La tempête en jouant déroutait ses efforts,
Et mon âme dansait, dansait, vieille gabarre
Sans mâts, sur une mer monstrueuse et sans bords !
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XCI Les petites vieilles
À Victor Hugo
I
Dans les plis sinueux des vieilles capitales,
Où tout, même l horreur, tourne aux enchantements,
Je guette, obéissant à mes humeurs fatales
Des êtres singuliers, décrépits et charmants.
Ces monstres disloqués furent jadis des femmes,
Éponine ou Laïs ! Monstres brisés, bossus
Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des âmes.
Sous des jupons troués et sous de froids tissus
Ils rampent, flagellés par les bises iniques,
Frémissant au fracas roulant des omnibus,
Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques,
Un petit sac brodé de fleurs ou de rébus ;
Ils trottent, tout pareils à des marionnettes ;
Se traînent, comme font les animaux blessés,
Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes
Où se pend un Démon sans pitié ! Tout cassés
Qu ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille,
Luisants comme ces trous où l eau dort dans la nuit ;
Ils ont les yeux divins de la petite fille
Qui s étonne et qui rit à tout ce qui reluit.
Avez-vous observé que maints cercueils de vieilles
Sont presque aussi petits que celui d un enfant ?
La Mort savante met dans ces bières pareilles
Un symbole d un goût bizarre et captivant,
Et lorsque j entrevois un fantôme débile
Traversant de Paris le fourmillant tableau,
Il me semble toujours que cet être fragile
S en va tout doucement vers un nouveau berceau ;
À moins que, méditant sur la géométrie,
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